Lorsqu’un créancier ne figure pas sur la liste prévue à l’article L. 622-6 du code de commerce, sa demande de relevé de forclusion pour sa créance doit être accueillie. Du reste, dans cette hypothèse, le débiteur ne peut soutenir qu’il n’a pas à déclarer une créance dont il entend contester l’existence et que, partant, il ne peut lui être imposé de faire figurer une telle créance au sein de la liste de l’article L. 622-6.

Il y a une règle bien connue des amateurs de droit des entreprises en difficulté : le créancier qui ne procède pas dans les délais à la déclaration de sa créance au passif de son débiteur en procédure collective risque de voir son droit inopposable à la procédure (C. com., art. L. 622-26, al. 2). Toutefois, pour éviter cette sanction, malgré le dépassement du délai, le créancier peut encore intenter une action en relevé de forclusion à condition que sa situation corresponde à l’un des deux motifs édictés par le code de commerce (C. com., art. L. 622-26, al. 1).

D’une part, le créancier peut démontrer que sa défaillance à déclarer n’est pas due à son fait.

D’autre part, il peut établir que sa défaillance est due à une omission du débiteur – de la créance litigieuse – lors de l’établissement de la liste prévue à l’article L. 622-6 du code de commerce. Précisons que ladite liste doit être remise par le débiteur dans les huit jours de l’ouverture de la procédure collective à l’administrateur et au mandataire judiciaire (C. com., art. R. 622-5). Elle comprend notamment l’énumération des créanciers, du montant des dettes et des principaux contrats en cours.

Ce dernier motif de relevé de forclusion nous intéresse plus spécialement, et ce, notamment au regard de son interaction avec d’autres règles en lien avec la procédure de déclaration des créances.

D’emblée, il faut bien avoir à l’esprit que la liste de l’article L. 622-6 du code de commerce n’a pas qu’un rôle à jouer en matière de relevé de forclusion, car depuis l’ordonnance du 12 mars 2014, le troisième alinéa de l’article L. 622-24 prévoit que lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé sa propre déclaration de créance dans le délai prévu à l’article R. 622-24.

À cet égard, bien qu’il ne s’agisse pas « d’un instrument imposé », la connaissance du mandataire des créances que le débiteur déclare pour le compte des créanciers va s’opérer d’une façon quasi systématique en raison de la liste de l’article L. 622-6. Au demeurant, puisqu’elle doit comprendre l’énumération des créanciers et du montant des dettes, il s’agit, en quelque sorte, de la toute première information dont disposeront les organes de la procédure quant à la composition du passif du débiteur. Dès lors, la liste de l’article L. 622-6 fait donc figure « d’instrument privilégié » pour les déclarations de créances qu’opérerait le débiteur pour le compte de ses créanciers (« instrument privilégié » seulement, car pour valoir déclaration, seul compte le fait que le débiteur ait porté la créance à la connaissance du mandataire dans les délais, et ce, peu important le moyen mobilisé, Com. 27 mars 2024, n° 22-21.016 FS-B, Dalloz actualité, 5 avr. 2024, obs. B. Ferrari ; D. 2024. 637  ; ibid. 1154, chron. C. Bellino, T. Boutié et C. Lefeuvre  ; Rev. sociétés 2024. 404, obs. F. Reille  ; RTD com. 2024. 425, obs. A. Martin-Serf ).

Quoi qu’il en soit, nous voyons que si le débiteur omet un créancier sur la liste de l’article L. 622-6 – omission qui n’a pas à être volontaire – il est, en quelque sorte, privé du « filet de sécurité » que constitue pour lui la voie de la déclaration de sa créance par son débiteur. À notre sens, il s’agit là de l’une des raisons pour lesquelles l’omission de la liste de l’article L. 622-6 existe en tant que motif de relevé de forclusion de « plein droit » pour le créancier : ce dernier pour être relevé de forclusion – à suivre la jurisprudence de la Cour de cassation – n’a rien d’autre à prouver que son absence de la liste (Com. 16 juin 2021, n° 19-17.186 FS-B, Dalloz actualité, 28 juin 2021, obs. B. Ferrari ; D. 2021. 1183  ; ibid. 1736, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli  ; ibid. 2262, chron. S. Barbot, C. Bellino et C. de Cabarrus  ; Rev. sociétés 2021. 551, obs. F. Reille  ; Rev. prat. rec. 2021. 71, chron. P. Roussel Galle et F. Reille  ; RTD com. 2021. 919, obs. A. Martin-Serf ).

Avec ces premiers éléments, l’on peut mesurer à quel point l’arrêt sous commentaire est intéressant. D’une façon générale, il met en perspective l’ensemble de ces règles et d’une façon plus particulière, il permet de s’attarder sur le sens à donner au terme « omission » de la liste des créanciers établie par le débiteur tel qu’employé par l’article L. 622-26 pour bénéficier du relevé de forclusion prévu dans cette hypothèse.

L’affaire

En l’espèce, une société a été condamnée au paiement de diverses sommes au bénéfice d’une autre. Mais contestant sa qualité de débitrice, la société condamnée en première instance a interjeté appel. Tandis que ce recours était toujours pendant, la société appelante a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 26 novembre 2019 et le conseiller…

Source : DALLOZ Actualités