Cet arrêt a fait l’effet d’une douche froide parmi les professionnels du tourisme, même si sa portée concrète devrait être somme toute limitée. Le contexte qui a conduit à son prononcé mérite d’être rappelé. Au début de la crise sanitaire, la France – et plusieurs autres États membres de l’Union européenne qui lui avaient emboîté le pas – avait adopté un texte, d’application temporaire, à savoir l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables, dite « ordonnance Tourisme » (JO 26 mars), autorisant les professionnels du tourisme, afin de soulager leur trésorerie, à proposer à ceux de leurs clients qui avaient acquis une prestation touristique ayant été annulée en raison de la crise sanitaire liée au covid-19 un avoir, valable dix-huit mois.
Ce texte dérogatoire, même s’il a été largement défendu (v. not., J.-D. Pellier, Crise sanitaire : il faut sauver l’ordonnance n° 2020-315 relative au tourisme !, D. 2020. 2074 ), a immédiatement été contesté par certaines associations de consommateurs. De manière peu surprenante, plusieurs d’entre elles ont estimé qu’elle porte atteinte aux intérêts des clients des professionnels du tourisme, en ce qu’elle les prive du droit qui leur est reconnu par la réglementation européenne, et notamment l’article 12 de la directive du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées (Dir. [UE] n° 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 nov. 2015, JOUE n° L. 326, 11 déc.), dite « directive Travel », texte qui confère le droit d’obtenir dans un délai de quatorze jours le remboursement de l’intégralité des paiements effectués au titre de contrats de voyages et de séjours résolus par le prestataire. D’où une action en référé devant le Conseil d’État visant à obtenir la suspension de l’exécution de cette ordonnance. Mais cette démarche a échoué, les juges du Palais-Royal ayant considéré que la condition d’urgence imposée par l’article L. 521-1 du code de la justice administrative relatif au référé-suspension en droit administratif n’était pas remplie (CE 17 juill. 2020, n° 441661, JT 2020, n° 233, p. 12, obs. X. Delpech ). Cette action en référé a été suivie d’une action sur le fond, dans le cadre du recours de plein contentieux, visant à obliger le Conseil d’État à statuer sur la validité de l’ordonnance du 25 mars 2020, mais celle-ci est actuellement pendante. En effet, la Haute juridiction administrative a préféré surseoir à statuer et saisir la Cour de justice de l’Union européenne par voie préjudicielle, l’invitant à se prononcer sur la conformité de l’ordonnance Tourisme à l’article 12 de la directive précitée (CE 1er juill. 2021, n° 441663). C’est précisément sur la base de ce recours préjudiciel que la Cour de justice vient de rendre son arrêt en date du 8 juin 2023. Le Conseil d’État français a posé à la Cour de justice trois questions.
Il n’est pas inutile de rappeler, par ailleurs, qu’une procédure d’infraction a été ouverte le 2 juillet 2020 par la Commission européenne contre la France et neuf autres États qui avaient adopté une législation équivalente à la nôtre, au motif que leurs règles nationales enfreignent la…
Source : DALLOZ Actualités