En l’absence d’administrateur judiciaire, le débiteur ne peut acquiescer à la demande de revendication sans l’accord du mandataire judiciaire. Cet accord du mandataire judiciaire ne peut résulter de son seul silence après la réception de la copie de la demande de revendication du bien ou de son absence d’opposition à l’acquiescement du débiteur à cette demande.
Au regard des conséquences attachées à la méconnaissance de la procédure de revendication, son régime soulève bien des questions. La Cour de cassation a eu cette fois à connaître de la forme que devait prendre l’intervention du mandataire judiciaire dans cette procédure, en l’absence d’administrateur judiciaire.
En l’espèce, un contrat de location longue durée portant sur un véhicule a été conclu entre deux sociétés. Le preneur est ultérieurement placé en redressement judiciaire, et aucun administrateur judiciaire n’est désigné. Le loueur demande à son débiteur, ainsi qu’au mandataire judiciaire, de se positionner sur la poursuite du contrat en cours et d’acquiescer à sa demande en revendication.
Le débiteur, dans sa réponse, reconnaît le droit de propriété du loueur sur le véhicule et indique qu’il souhaite poursuivre le contrat. Le mandataire judiciaire, dans un courrier séparé, informe uniquement émettre un avis conforme à la position du débiteur sur la poursuite du contrat.
La procédure de redressement judiciaire est ultérieurement convertie en liquidation judiciaire. Le mandataire judiciaire, devenu liquidateur, met alors fin au contrat de location. Il indique, en outre, en réponse à une nouvelle sollicitation du loueur, qu’il s’oppose à la restitution du véhicule, faute pour ce dernier d’avoir saisi le juge-commissaire dans les délais légaux.
Cette position du liquidateur est confirmée par le juge-commissaire, mais infirmée par le Tribunal de commerce de Bordeaux. Celui-ci considère en effet que dans une procédure de redressement judiciaire sans administrateur, le créancier peut se satisfaire du seul retour du débiteur, sans avoir à rechercher si le mandataire judiciaire a bien donné son accord préalable. Ce serait à ce dernier, à défaut d’accord, d’exprimer expressément son opposition au créancier, une fois qu’il aurait connaissance de la réponse du débiteur.
La cour d’appel adopte une position contraire et juge que l’accord du débiteur, en l’absence d’administrateur judiciaire, ne peut avoir d’effet vis-à-vis de la procédure collective que s’il est intervenu après accord du mandataire judiciaire. Cet accord ne peut résulter de son seul silence.
Selon la cour d’appel, cette exigence provient du fait que le législateur a expressément prévu que l’acquiescement à une demande de revendication ne puisse intervenir sans l’accord d’un des organes de la procédure, eu égard à la nécessaire protection de l’ensemble des créanciers de la procédure collective.
Le loueur forme un pourvoi en cassation. Il estime que les textes prévoient que le droit d’acquiescer à une demande de revendication appartient au débiteur, en l’absence d’administrateur judiciaire, et n’imposent ainsi aucune vérification par le créancier de l’accord préalable du mandataire judiciaire. En exigeant le contraire, la cour d’appel aurait violé les articles L. 624-17 et R. 624-13 du code de commerce et l’article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.
La Cour de cassation devait ainsi se positionner sur les effets d’un acquiescement du débiteur à une demande de revendication en cas de silence du mandataire judiciaire.
Au visa de l’article L. 624-17 du code de commerce, elle rejette le pourvoi et juge que le débiteur ne peut acquiescer à la demande de revendication sans l’accord du mandataire judiciaire.
Elle approuve ensuite la cour d’appel d’avoir jugé, sans violer l’article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, que la nécessité de la protection de la collectivité des créanciers rend nécessaire l’intervention d’un organe de la procédure à la procédure de revendication et que l’accord du mandataire judiciaire ne peut résulter de son seul silence après la réception de la copie de la demande de revendication du bien ou de son absence d’opposition à l’acquiescement du débiteur à cette demande.
Dans cet arrêt publié au Bulletin, la Cour de cassation uniformise à bien des égards le régime de la procédure de revendication, en présence ou en l’absence d’un administrateur judiciaire, durant une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Elle rend nécessaire l’intervention d’un organe de la procédure à la procédure de revendication et réitère la conformité de cette procédure à la Convention européenne des droits de l’homme.
L’intervention nécessaire d’un organe de la procédure à la procédure de revendication
La Cour de cassation souligne dans son arrêt la nécessité de l’intervention, dans la procédure de revendication, d’un organe de la procédure. Cette intervention est elle-même prévue par le code de commerce et l’organe concerné varie selon la procédure collective ouverte et le stade de la procédure de revendication.
Durant la phase dite « préliminaire ou amiable », la loi prévoit la participation, selon le cas, de l’administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire ou du liquidateur judiciaire.
Dans le cas d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire avec administrateur judiciaire, celui-ci doit être le destinataire de la demande de revendication (C. com., art. L. 624-17 et R. 624-13). Le courrier n’a en revanche pas à être adressé au débiteur (Com. 2 nov. 2016, n° 14-18.898, Dalloz actualité, 24 nov. 2016, obs. X. Delpech ; D. 2016. 2279 ; RTD com. 2017. 431, obs. A. Martin-Serf ).
L’acquiescement, le cas échéant, doit provenir de l’administrateur judiciaire, mais il ne peut, pour être valable, qu’être donné avec l’accord du débiteur (v. par ex., Com. 29 sept. 2015, n° 13-26.529).
Dans une telle configuration, le mandataire judiciaire ne joue qu’un rôle très annexe. En effet, si l’article R. 624-13 du code de commerce prévoit qu’une copie de la demande d’acquiescement doit lui être adressée, la Cour de cassation a…
Source : DALLOZ Actualités