L’instance en cours interrompue, en vertu du droit français, jusqu’à ce que le créancier ait produit sa créance dans la procédure d’insolvabilité étrangère n’est pas reprise à la suite de la seule assignation en intervention forcée du syndic étranger, celle-ci ne valant pas déclaration de créance.
Une nouvelle affaire mettant en cause l’entreprise d’assurance de droit danois Alpha Insurance A/S (v. déjà, Civ. 2e, 25 mai 2022, nos 19-12.048 et 19-15.052, Dalloz actualité, 16 juin 2022, obs. F. Mélin ; D. 2022. 1040 ; APC 2022. Alerte 166, note L. Fin-Langer ; Gaz. Pal. 26 juill. 2022, n° GPL439a1, note F. Guerre ; ibid. 27 sept. 2022, n° GPL440k1, note G.C. Giorgini ; LEDEN sept. 2022, n° DED200z0, note F. Marchadier ; RGDA oct. 2022, n° RGA201a0, note G. Parleani) offre d’utiles précisions en matière de procédures d’insolvabilité européennes.
En l’espèce, à la suite de la destruction de leurs locaux d’exploitation par un incendie, deux sociétés déclarent leurs sinistres auprès de Alpha Insurance A/S, leur assureur, en vue de la mise en jeu des garanties souscrites. L’assureur refusant de les indemniser, elles l’assignent en paiement. Un an plus tard, les deux sociétés sont placées en liquidation judiciaire et six ans plus tard, l’assureur lui-même est déclaré en faillite par le Tribunal maritime et commercial de Copenhague. Les liquidateurs français assignent alors le syndic danois en intervention forcée dans le cadre de l’instance en cours en France devant la Cour d’appel de Bastia. Cependant, les demandes présentées à l’encontre du syndic danois ès qualités sont déclarées irrecevables, faute pour les deux liquidateurs français d’avoir déclaré leurs créances dans la procédure danoise dans le délai imparti, la cour d’appel estimant que l’instance interrompue par l’effet de l’ouverture de la procédure de liquidation étrangère ne peut reprendre.
Les liquidateurs français forment alors un pourvoi en cassation. Pour l’essentiel, ils considèrent que l’assignation en intervention forcée du syndic étranger valait déclaration de créance au passif de la procédure danoise et reprochent aux juges du fond d’avoir appliqué à tort les dispositions de la loi française pour déterminer si les conditions de production de la créance exigées pour la reprise de l’instance en cours en France étaient réunies à la suite de la mise en cause du syndic étranger.
Le moyen ne prospère pas. La Haute juridiction rappelle qu’en vertu des dispositions de l’article L. 326-20 du code des assurances, les décisions d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité prononcées par une juridiction d’un autre État membre au bénéfice d’une entreprise d’assurance produisent leurs effets en France sans aucune autre formalité, y compris à l’égard des tiers, dès lors qu’elles produisent leurs effets dans l’État membre d’origine. De même, elle rappelle qu’en vertu des dispositions de l’article L. 326-28 du même code, les effets de l’ouverture d’une procédure de liquidation sur le territoire d’un autre État membre sur une instance en cours en France concernant un bien ou un droit dont l’entreprise d’assurance est dessaisie sont régis exclusivement par la loi française, c’est-à-dire en l’espèce par les dispositions du code de procédure civile.
Aussi, la cour d’appel n’a-t-elle pas appliqué la loi française pour déterminer les conditions de production à la procédure étrangère mais seulement pour déterminer les effets de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité danoise sur l’instance en cours en France. Dès lors que cette instance était interrompue en vertu des dispositions des articles L. 622-22 et L. 641-3 du code de commerce jusqu’à ce que les liquidateurs aient procédé à la déclaration de leurs créances au passif de la procédure étrangère, et abstraction faite des motifs surabondants, cette instance n’avait pas été reprise en l’absence d’une telle déclaration, l’assignation en intervention forcée du syndic danois ne valant pas production de créance.
Le pourvoi est logiquement rejeté.
Reconnaissance automatique des effets de la procédure d’insolvabilité étrangère, lex fori concursus et instance en cours
Les établissements bancaires et les entreprises d’assurance constituent deux catégories de débiteurs exclues du champ d’application du droit commun de l’insolvabilité européenne, c’est-à-dire du règlement (UE) 2015/848 (Règl. européen insolvabilité ou REI) car soumises à des instruments spécifiques (en matière d’entreprises d’assurance, v. Dir. 2009/138/CE du 25 nov. 2009, sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II), JOUE L 335/1, 17 déc. 2009 ; Dir. 2012/23/UE du 12 sept. 2012 modifiant la dir. 2009/138/CE (Solvabilité II), en ce qui concerne ses dates de transposition et d’entrée en application et la date d’abrogation de certaines directives, JOUE L 249, 14 sept. 2012 ; Dir. 2013/58/UE du 11 déc. 2013, modifiant la directive 2009/138/CE (Solvabilité II) en ce qui concerne ses dates de transposition et d’entrée en application et la date d’abrogation de certaines directives (Solvabilité I), JOUE L 341, 18 déc. 2013). La directive Solvabilité II pose le principe que la procédure collective ouverte au bénéfice d’une entreprise d’assurance est soumise à la loi d’origine c’est-à-dire à…
Source : DALLOZ Actualités