Le défaut de comparution du demandeur peut conduire le juge à prononcer la caducité de la citation en application de l’article 468 du code de procédure civile. Même si, à l’égard du demandeur, la sanction paraît sévère, son prononcé ne porte pas une atteinte excessive au droit au juge garanti par l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme.

par Nicolas Hoffschir, maître de conférences à l’Université d’Orléansle 7 mars 2024
Civ. 2e, 8 févr. 2024, F-B, n° 21-25.928

Chacun sait qu’en cas défaillance du demandeur, une option est ouverte au profit du défendeur qui a été inutilement troublé dans sa quiétude : il peut requérir un jugement sur le fond ou demander au juge, qui peut aussi y procéder d’office, de déclarer la citation caduque (C. pr. civ., art. 468). C’est là un choix qui relève plutôt de la stratégie procédurale. En requérant du juge qu’il statue sur le fond, le défendeur peut espérer s’abriter derrière l’autorité de la chose jugée attachée à la décision ainsi rendue pour parer les nouvelles initiatives procédurales de son adversaire. De son côté, la caducité de la citation entraîne l’extinction de l’instance (C. pr. civ., art. 385) ; sauf à ce que le demandeur parvienne, dans les quinze jours suivant, à justifier d’un « motif légitime » justifiant de rapporter l’ordonnance du juge, une nouvelle demande en justice peut toujours être formée ; mais encore faut-il que la prescription n’ait pas fait son œuvre alors que la citation, dont la caducité a été constatée, n’a pu interrompre le cours de la prescription (Civ. 3e, 4 juill. 2019, n° 18-16.005, inédit, AJDI 2019. 720 ; Civ. 2e, 21 mars 2019, n° 17-31.502 P, Dalloz actualité, 29 avr. 2019, obs. G. Deharo ; D. 2019. 648 ). Ce sort réservé au demandeur défaillant n’incite guère à la compassion : en prenant l’initiative d’introduire l’instance, il a pu choisir les armes de la lutte judiciaire, conformément à la stratégie procédurale qui lui convenait le mieux (v. sur la stratégie procédurale, L. Cadiet, J. Normand et S. Amrani-Mekki, Théorie générale du procès, 3e éd., PUF, 2020, n° 362 ; L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, 11e éd., LexisNexis, 2020, n° 486).

Les faits ayant donné lieu à l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 8 février 2024, qui fait l’objet du présent commentaire, n’y incitent pas davantage.

Dans l’affaire, le demandeur estimait avoir une « bonne » raison de ne pas s’être présenté à l’audience : son conseil ne pouvait envisager un déplacement de plus de 600 kilomètres pour s’y rendre sans être certain que le dossier y serait plaidé. Il étoffa d’ailleurs cet argument kilométrique, qu’il savait sans doute un peu faible, en faisant valoir que les réformes successives des procédures orales avaient tendance à renforcer la place de l’écrit et que son adversaire, qui avait gardé le silence, n’avait pas jugé bon de lui communiquer ses…

Source : Dalloz Actualités