La procédure d’injonction de payer n’est, dans aucune de ses deux phases, soumise à l’obligation prévue à l’article 750-1 du code de procédure civile d’une tentative préalable de résolution amiable du différend.

L’article 750-1 du code de procédure civile, qui instaure un préalable de résolution amiable à la saisine du tribunal judiciaire pour les petites affaires (en dessous de 5 000 €) et les troubles anormaux du voisinage (qui ne sont pas toujours de petites affaires, tant s’en faut), fait l’objet d’une certaine actualité. Celle-ci n’est pas réglementaire puisque, contre toute attente, son champ d’application n’a pas été étendu par la récente réforme de l’amiable en matière civile opérée par le décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025 (sur lequel, v. not., M. Barba, La réforme de l’instruction et des modes alternatifs en matière civile : un amiable décret, Dalloz actualité, Dossier, 23 sept. 2025 ; S. Amrani Mekki, Une nouvelle conception du procès civil à l’aune de la contractualisation, JCP 2025. 1393 ; M. Plissonnier, Les modes de résolution amiable, Gaz. Pal. 22 juill. 2025. 44 ; Les pouvoirs du juge dans le cadre amiable, Gaz. Pal. 22 juill. 2025. 50).
En revanche, l’article 750-1 fait l’objet d’une certaine actualité jurisprudentielle, notamment en contemplation de son annulation partiellement non rétroactive par le Conseil d’État (CE, 6e et 5e ch. réun., 22 sept. 2022, nos 436939 et 437002, Dalloz actualité, 3 oct. 2022, obs. M. Barba ; ibid., 4 oct. 2022, obs. M. Barba ; Lebon ; AJDA 2022. 1817
; D. 2022. 1912
; ibid. 2096, entretien M. Barba
; ibid. 2023. 571, obs. N. Fricero
; Rev. prat. rec. 2023. 34, chron. B. Gorchs-Gelzer
) dont la Cour de cassation doit à présent tirer péniblement les conséquences dans les instances qui étaient en cours au moment de cette annulation (Civ. 2e, 6 févr. 2025, n° 22-20.070, Dalloz actualité, 4 mars 2025, obs. S. Hortala ; 30 avr. 2025, n° 22-18.259 ; 30 avr. 2025, n° 22-24.749 ; Civ. 3e, 13 juin 2024, n° 22-21.578, AJDI 2024. 633
).
L’actualité jurisprudentielle rebondit à la faveur d’une saisine pour avis de la Cour de cassation sur une question autre, importante en théorie comme en pratique : la demande en paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 € formée par requête en injonction de payer doit-elle, par principe, être précédée de la tentative de résolution amiable prévue par l’article 750-1 du code de procédure civile ? Dit autrement, la procédure d’injonction de payer élude-t-elle, per se, l’article 750-1 ? C’est en substance la question judicieusement posée par le Tribunal judiciaire de Vannes à la deuxième chambre civile (v. déjà et précurseur, L. Lauvergnat, La procédure d’injonction de payer est-elle conciliable avec le recours préalable aux MARD ?, Procédures 2024. Focus 16).
Avant d’en exposer la réponse, qu’il soit permis de pondérer brièvement l’enjeu pratique de la question. Pour de petites créances, il est usuel de recourir, en cas de résistance du débiteur présumé, à la procédure d’injonction de payer prévue aux articles 1407 et suivants du code de procédure civile. Pour reprendre une formule qui a fait florès sous la plume de Perrot, cette procédure relève du contentieux inversé : le juge décide d’abord (sur requête) et, éventuellement, les parties discutent ensuite (sur opposition). Pour les créances modestes, cette procédure s’avère utile et comparativement plus efficace que le référé-provision, qui suppose l’organisation d’un débat contradictoire tout entier.
La procédure d’injonction de payer est d’autant plus efficace que les débiteurs qui se savent véritablement débiteurs ont généralement tendance à ne pas former opposition, ce qui permet à l’ordonnance obtenue sur requête d’acquérir une force exécutoire pleine et entière, pour la satisfaction du créancier. Du côté des juridictions, il est permis de penser que la procédure d’injonction de payer est généralement appréciée peu ou prou pour les mêmes raisons, et en particulier en ce qu’elle permet d’administrer rapidement et efficacement les causes modestes.
Le problème, on le voit venir, est que l’interférence de l’article 750-1 du code de procédure civile risque de mettre à mal tout cet édifice s’il impose par principe un préalable amiable à une requête en injonction de payer. La célérité serait compromise et l’efficacité de la pratique contentieuse avec elle. En contrepoint, il va de soi que l’application prioritaire de l’article 750-1 du code de procédure civile servirait l’objectif général de règlement pacifique des litiges civils. Sous l’angle des enjeux et tendances sous-jacents, c’est à peu près ainsi que la question se…
Source : Dalloz Actualités